samedi 2 février 2013

GOUEZEC - Les Trois Fontaines

Juste avant de franchir les montagnes Noires, la départementale 785 qui rejoint Pleyben à partir de Quimper passe par le lieu-dit Les Trois Fontaines, signalé par une grande et belle chapelle des 16e-18e sicles, flanquée d'un calvaire monumental mutilé (fin 16e) et précédée, effectivement, par trois fontaines, distantes de quelques mètres les unes des autres. 

La chapelle jalonne l'ancien chemin du Tro-Breiz, qui suit le tracé de la voie antique de Quimper à Morlaix. Comme viennent le rappeler les toponymes Moulin de l'Abbé et Manac'h Ty ("la maison des moines" ) situés à son voisinage, la chapelle dépendait autrefois de l'abbaye de Coat Malouen en Kerpert (22).

 Dans son Guide de la Bretagne Mystérieuse (Editions Princesse, 1976), auquel j'aurai souvent l'occasion de me référer dans ces pages, Gwenc'hlan Le Scouëzec souligne la troublante récurrence du chiffre 3 dans les lieux sacrés du terroir de Briec, que ce soit l'existence d'un lieu-dit Les Trois Croix, traversé par la même D 785 3 kilomètres (sic !) avant Les Trois Fontaines, la  représentation d'une sainte Gwenn à trois mamelles dans la chapelle Saint-Vennec en Briec, le plan triangulaire peu courant des calvaires de Saint-Vennec, Quilinen en Landrévarzec et de celui des Trois Fontaines, ainsi que la dédicace de l'une des trois fontaines aux Trois Marie (la mère de Jésus, Marie-Salomé et Marie Madeleine). Il pourrait, selon Le Scouëzec, s'agir d'une survivance du culte des Matrones, trois déesses druidiques, que l'on représentait assises, celle du milieu tenant un nouveau-né.

Une légende se rattache à ces trois fontaines. Roger Frey l'énonce ainsi : "Une pauvre mère de famille mourut en mettant au monde deux enfants jumeaux ; le père, déconcerté, ne sachant comment nourrir ces enfants, résolut d'aller les noyer à l'une de ces fontaines ; il les met dans un panier d'osier ; mais avant de les jeter à l'eau, il dépose le panier sur l'une des dalles voisines, et fait une prière devant la statue de la fontaine principale ; une belle dame lui apparaît, lui assurant qu'elle lui trouvera une nourrice et une protectrice pour ses enfants ; il prend confiance et trouve, en effet, ce secours inespéré pour les dieux petits nouveaux-nés. Depuis ce temps, la trace de la corbeille d'osier est restée imprimée sur la pierre". La version de la même histoire recueillie par Anatole Le Braz auprès de Jeanne Le Prat, gardienne de la chapelle, est autrement plus sombre. Ce ne sont pas deux, mais 9 (3x3 ?) nourrissons que le père était venu noyer. Alors qu'il allait accomplir sa sinistre besogne, une dame lui apparut, qui lui demanda ce que le panier contenait. L'homme prétendit qu'il s'agissait de neuf petits cochons à vendre. La femme, qui savait qu'il s'agissait de neuf nouveaux-nés, lui proposa, s'il les épargne et qu'il les fait baptiser, d'assurer la subsistance de la nombreuse famille. Et en effet, lorsque l'homme revint chez lui avec les nourrissons, il trouva ses granges pleines. De retour à la chapelle pour baptiser ses enfants, il vit la statue de la Vierge soudain s'animer et venir à sa rencontre. Il reconnut la Dame qui s'était présentée à lui., qui répandait autour d'elle des poignées de pièces d'or. Mais à peine atteignaient-elles le sol qu'elle se transformaient en poussière, le contact de l'or sur le dallage du sanctuaire creusant des micro-cavités que l'on peut encore y observer. Quant aux enfants, ils moururent dès que l'eau sacré toucha leur front, cependant que la moisson fabuleuse se transformait elle aussi en poussière... Une mauvaise farce qui cadre plutôt mal avec l'image bienfaisante de la Vierge Marie, mais davantage avec celle de mères cruelles que l'on retrouve dans les mythologies pré-chrétiennes. 

On ne manquera pas de remarquer, au transept sud de la chapelle, deux gargouilles particulièrement suggestives : l'une présente un homme le sexe érigé, l'autre une femme nue, la main refermée sur le sien, manifestement pas pour le cacher... C'est probablement pour bien lever tout doute à ce sujet que le sculpteur a cru bon de représenter un serpent courant sur le corps de la femme.
 












La chapelle N.-D. des Trois Fontaines vue de Beaulieu en Briec

Aux environs...

Après Les Trois Fontaines, la D 785 franchit les Montagnes Noires en s'insinuant dans la cluse creusée par le ruisseau des Trois Fontaines. La route, courant à flanc de vallée, suit les courbes de niveaux de celle-ci, offrant, jusqu'au lieu-dit Cabaret, de belles perspectives. A Penhoat, on laisse sur la gauche, au creux d'un vallon, une cabane faite de bric et de broc.  

La route qui, des Trois Fontaines, part sur la droite vers Gouézec, grimpe le versant de la Montagne Noire, laissant sur la gauche, 500 mètres après la chapelle, le petit calvaire de Croaz Gorréquer (16e s.). Il s'agit de l'ancienne voie antique de Quimper à Morlaix, dont on devine qu'elle se poursuivait vers le nord au lieu-dit Baradozic, tandis que la route actuelle bifurque vers le nord-est,  parcourant le faîte de la Montagne noire sur un kilomètre avant d'entamer sa descente vers le bourg de Gouézec. Le parcours ménage de nombreux points de vue sur le bassin de Châteaulin.


 





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