lundi 18 février 2013

SCAËR - La chapelle de Coadry

A mi-chemin entre les bourgs de Tourc'h et de Scaër, la D 50 traverse le village de Coadry, au milieu duquel s'élève une chapelle. Ce sanctuaire fut fondé au 11e siècle par les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui la dédièrent à saint Jean-Baptiste et au saint Sauveur. Elle dépendait de la commanderie de La Feuillée. De cette époque, l'édifice a conservé sa nef romane, tandis que le choeur, gothique, date du 14e siècle, et la façade ouest du 17e.


D'après la légende, le comte de Trévalot, seigneur du pays, fut assiégé dans son château par un rival,  le cruel baron de Coatforn, tristement célèbre dans la contrée pour avoir tué ses huit femmes en les jetant dans un précipice et pour donner en pâture aux chiens les malheureux qui s'aventurent sur ses terres. Alors que la bataille tournait en sa défaveur, le comte, très pieux, s'en remit à Dieu et promit de faire construire une chapelle en l'honneur du Christ s'il sortait vainqueur de la bataille. Le miracle se produisit : le comte mit son adversaire en déroute. Le comte étant soucieux de tenir sa promesse, mais ne sachant où construire le sanctuaire, on décida d'atteler un char à boeufs, de le remplir de pierres et de laisser les bêtes aller. Là où elle s'arrêteraient, on construirait la chapelle. Les boeufs s'arrêtèrent devant les ruines de l'ancien temple païen de Coadry, qui avait été abandonné suite à l'évangélisation de la paroisse par le père Ratian et sainte Candide. 

Le lendemain, les architectes et ouvriers qui s'étaient rendus sur le lieu pour débuter les travaux, découvrirent à leur grande surprise que les ronces qui couvraient les ruines du temple avaient laissé la place à de magnifiques fleurs, et que les anciennes pierres du temple s'étaient spontanément alignées, comme pour indiquer où les fondations de la future chapelle devaient être bâties. En outre, une nouvelle source avait jailli, dont les eaux miraculeuses auront le pouvoir de guérir tous les malades qui se rendront à Coadry. 

Les ouvriers travaillant jour et nuit pour accomplir la volonté du seigneur, le gros des travaux fut vite terminé. Il restait encore à construire le clocher - qui, évidemment, se devait d'être le plus haut des alentours - lorsque surgit de la forêt un géant, qui se porta volontaire pour se charger de sa construction, sans l'aide d'aucun échafaudage. La tombe du géant est encore visible, matérialisée par les deux croix moyenâgeuses qui précèdent l'enclos de la chapelle, distantes de 25 mètres l'une de l'autre, l'une ayant été placée à sa tête, l'autre à ses pieds...

Au delà des motifs récurrents, communs à de nombreuses autres légendes relatives à la fondation de chapelles (le miracle en échange de la promesse de l'édification d'un lieu de culte, le recours au char à boeufs pour identifier le l'emplacement où celui-ci doit être construit), l'intérêt de la légende de Coadry réside dans ses références à l'ancienne religion, dont les évangélisateurs n'ont eu de cesse de chercher à effacer le souvenir. Si les boeufs, guidés par la volonté divine, se sont arrêtés devant un ancien temple voué aux divinités celtiques, ce n'est évidemment pas un hasard. L'irruption dans l'histoire du géant va dans le même sens. On peut en effet voir dans ce personnage une représentation du dieu gaulois géant Hok bras. Dans d'autres légendes visant, elles aussi, à promouvoir la suprématie du christianisme sur la religion celte, il est tué par les saints chrétiens - saint Herbot, par exemple, l'a enterré après l'avoir découpé en 77 morceaux ! Ici, il apparaît converti à la foi chrétienne, mais aussitôt évincé de l'histoire, cantonné à un simple rôle de faire-valoir. Comme pour souligner le symbole, les deux croix qui marquent l'emplacement de sa tombe se révèlent avoir probablement été taillées dans les pierres d'une ancienne allée couverte qui marquait un lieu sacré celte.

Au 12e siècle, une famine éreinta la contrée, et les pèlerins de Coadry en furent rendus responsables.  La chapelle fut incendiée puis abandonnée durant les deux siècles qui suivirent, jusqu'à la survenue de nouveaux miracles à la fontaine. Plus personne ne se souvenant à quel saint la source était dédiée, un prêtre demanda à Dieu, au cours de ses prières, de lui fournir un indice. Le lendemain, il retrouva le fond de la fontaine et les champs environnants jonchés de "pierres rousses" en forme de croix, tombées du ciel, ce qui signifiait d'évidence que la fontaine était dédiée à Jésus Christ lui-même, comme en témoigne une ancienne gwerz bretonne :  

Hon Jezus Christ evit e chkbor A zigasas var un douar Men rouz dre pe hini vouier
E oa Jesus barx a beder.


Notre Seigneur pour sa gloire, fit tomber sur la terre des pierres rousses
qui firent savoir que c'était Jésus qu'on y priait.

Une manifestation divine qui explique donc par la même occasion l'abondance dans le sol de Coadry et Coray des staurotides, ces "pierres rousses" constituées de silice, d'aluminium et de fer, qui présentent effectivement la particularité d'être maclées en croix. Ces pierres, également connues dans la région sous le nom de "croisettes de Bretagne" ou "pierres de Coadry" se sont vues prêter de nombreux pouvoirs. Ainsi les staurotides en forme de croix de saint André étaient offertes aux jeunes mariés pour les prémunir de certaines maladies, tandis que les spécimens en forme de crucifix étaient efficaces contre les morsures de chiens enragés et de serpents, la folie et les maux d'yeux. Enterrées au pied des murs de la maison, elles préservaient contre la foudre, d'où leur surnom de "pierres à tonnerre". Les pierres de Coadry protégeaient également des naufrages, de sorte qu'on a pu en retrouver dans des terres très éloignées, telles que la réunion, où elles ont été apportées par des marins bretons et où elles sont toujours considérées comme des talismans d'autant plus puissants qu'elles y sont très rares. 

Le photographe, peintre et collectionneur scaërois de minéraux René Métairie, devant une vitrine de staurotides. Dans ses bras, une plaque de schiste de 15 kg incrustée de staurotides variées. Cliché Le Télégramme, 9 août 2009

Après ce nouveau miracle, la chapelle ruinée fut restaurée et le pardon retrouva son prestige. Depuis cette époque jusqu'au début du 20e siècle, les pèlerins venaient y acheter les fameuses "pierres rousses" récoltées tout au long de l'année par les autochtones. Le pardon, qui se tient à la chapelle chaque année à la fin du mois de juin, attire encore  aujourd'hui de nombreux fidèles et curieux. 

(Article basé sur la synthèse de différentes sources : Roger-Luc MARY, Le monde inconnu, n° 75, septembre 1986, via les sites Internet http://magiedubouddha.com et http://ourslithos.pagesperso-orange.fr ; Gwenc'hlan LE SCOUËZEC, Guide de la Bretagne mystérieuse)

samedi 9 février 2013

SCRIGNAC - La chapelle ruinée de Toul-ar-Groaz


La commune de Scrignac compte deux chapelles dédiées à saint Corentin : celle de Trénivel, située au nord-ouest du territoire, et celle de Toul-ar-Groaz, ruinée, située au sud-est


Construite au 16e siècle, cette chapelle fut délaissée après la Révolution, jusqu'à sa restauration en 1931 à l'initiative de l'abbé Jean-Marie Perrot, curé de Scrignac, qui fit également compléter la croix située à proximité. De nouveau à l'abandon depuis sa désaffectation en 1945, elle a perdu son clocher et menace de disparaître à court terme.

On y accède par le hameau de Toul-ar-Groaz, mais sa localisation exacte se révèle délicate, du fait qu'elle se trouve à l'écart du chemin. Pour l'atteindre, il faut poursuivre le chemin une soixantaine de mètres après le dernier bâtiment de la ferme, puis prendre à pied sur la gauche sur une centaine de mètres.

Sur la droite, avant d'arriver à la chapelle, un petit sentier conduit à la fontaine (19e s. ?), restaurée à l'époque contemporaine.

En poursuivant vers le sud le chemin qui initial, on parvient, une centaine de mètres plus loin, à l'orée du bois de Guernaon, qui fait partie de la forêt de Fréau.

 

lundi 4 février 2013

ELLIANT - Le cairn Bar-Hir





Le cairn Bar-Hir ("long pain" en breton), se rejoint à partir de la route de Keringard, qui se détache à droite de la voie communale reliant le bourg d'Ergué-Gabéric à celui d'Elliant. Une cinquantaine de mètres après l'embranchement, avant d'entamer la descente sur la ferme de Keringard, un talus sur la droite délimite un petit bois. Il faut le suivre et pénétrer dans les taillis (plus à l'ouest, cela devient impossible), puis en longer la lisière.


Au bout d'une soixantaine de mètres, on parvient à deux dolmens à chambre compartimentée, surgissant des fougères et dominant la vallée de Keringard. Si les dolmens se situent bien sur une plate-forme, le cairn (1) en lui même n'est plus guère discernable sous la végétation et l'humus. Bien qu'éloigné du littoral, le cairn Bar-Hir se rattache à l'ensemble de cairns de la côte sud-finistérienne, dont il présente les mêmes caractéristiques. Il n'a encore jamais été fouillé.

 (1) Un cairn mégalithique est une éminence artificielle constituée d'un amoncellement de pierres recouvrant une sépulture néolithique.

Aux environs...

La ferme de Keringard




Le ruisseau de Kerveil



ELLIANT - Le menhir Hiquem Mam Coz



Le menhir Hiquem Mam Coz, dont le nom signifie "la quenouille de la grand-mère", se trouve à 150 mètres au nord de la ferme de Cosquer Ven. Alors que la route d'Elliant à Kerdévot longe sur la gauche un grand hangar agricole appartenant à cette ferme, un chemin creux se détache sur la droite. Il faut l'emprunter sur une cinquantaine de mètres, puis pénétrer dans la parcelle qui le borde sur sa gauche. La parcelle, plantée d'arbres épars et de lande - mais facilement praticable -, occupe le sommet d'une petite colline d'où la roche affleure par endroits. Le menhir, haut de 3,5 mètres et couvert de lichens, se découvre immédiatement en contrebas du faîte, à l'endroit où la lande cède la place aux taillis et où la pente descendante commence à s'accentuer.

 





Aux environs...

Le village de Quénéhaye et la cidrerie Melenig
300 mètres après Cosquer Ven, en poursuivant vers Kerdévot, s'embranche la petite route qui dessert le hameau de Quénéhaye, où l'on découvre deux beaux bâtiments ruraux en pierres de taille (photos à venir). Au fond du village, le chemin aboutit à la cidrerie Melenig, où Christian vous accueillera chaleureusement et vous proposera une dégustation. 


La ferme de Rubuen
Encore 200 mètres plus loin, juste avant de pénétrer sur le territoire d'Ergué-Gabéric, la route de Kerdévot laisse sur la droite la ferme de Rubuen, d'une facture proche de celles de Goulivars et de Kerospars,  deux autres fermes Elliantaises, datées de la seconde moitié du 17e siècle.


samedi 2 février 2013

GOUEZEC - Les Trois Fontaines

Juste avant de franchir les montagnes Noires, la départementale 785 qui rejoint Pleyben à partir de Quimper passe par le lieu-dit Les Trois Fontaines, signalé par une grande et belle chapelle des 16e-18e sicles, flanquée d'un calvaire monumental mutilé (fin 16e) et précédée, effectivement, par trois fontaines, distantes de quelques mètres les unes des autres. 

La chapelle jalonne l'ancien chemin du Tro-Breiz, qui suit le tracé de la voie antique de Quimper à Morlaix. Comme viennent le rappeler les toponymes Moulin de l'Abbé et Manac'h Ty ("la maison des moines" ) situés à son voisinage, la chapelle dépendait autrefois de l'abbaye de Coat Malouen en Kerpert (22).

 Dans son Guide de la Bretagne Mystérieuse (Editions Princesse, 1976), auquel j'aurai souvent l'occasion de me référer dans ces pages, Gwenc'hlan Le Scouëzec souligne la troublante récurrence du chiffre 3 dans les lieux sacrés du terroir de Briec, que ce soit l'existence d'un lieu-dit Les Trois Croix, traversé par la même D 785 3 kilomètres (sic !) avant Les Trois Fontaines, la  représentation d'une sainte Gwenn à trois mamelles dans la chapelle Saint-Vennec en Briec, le plan triangulaire peu courant des calvaires de Saint-Vennec, Quilinen en Landrévarzec et de celui des Trois Fontaines, ainsi que la dédicace de l'une des trois fontaines aux Trois Marie (la mère de Jésus, Marie-Salomé et Marie Madeleine). Il pourrait, selon Le Scouëzec, s'agir d'une survivance du culte des Matrones, trois déesses druidiques, que l'on représentait assises, celle du milieu tenant un nouveau-né.

Une légende se rattache à ces trois fontaines. Roger Frey l'énonce ainsi : "Une pauvre mère de famille mourut en mettant au monde deux enfants jumeaux ; le père, déconcerté, ne sachant comment nourrir ces enfants, résolut d'aller les noyer à l'une de ces fontaines ; il les met dans un panier d'osier ; mais avant de les jeter à l'eau, il dépose le panier sur l'une des dalles voisines, et fait une prière devant la statue de la fontaine principale ; une belle dame lui apparaît, lui assurant qu'elle lui trouvera une nourrice et une protectrice pour ses enfants ; il prend confiance et trouve, en effet, ce secours inespéré pour les dieux petits nouveaux-nés. Depuis ce temps, la trace de la corbeille d'osier est restée imprimée sur la pierre". La version de la même histoire recueillie par Anatole Le Braz auprès de Jeanne Le Prat, gardienne de la chapelle, est autrement plus sombre. Ce ne sont pas deux, mais 9 (3x3 ?) nourrissons que le père était venu noyer. Alors qu'il allait accomplir sa sinistre besogne, une dame lui apparut, qui lui demanda ce que le panier contenait. L'homme prétendit qu'il s'agissait de neuf petits cochons à vendre. La femme, qui savait qu'il s'agissait de neuf nouveaux-nés, lui proposa, s'il les épargne et qu'il les fait baptiser, d'assurer la subsistance de la nombreuse famille. Et en effet, lorsque l'homme revint chez lui avec les nourrissons, il trouva ses granges pleines. De retour à la chapelle pour baptiser ses enfants, il vit la statue de la Vierge soudain s'animer et venir à sa rencontre. Il reconnut la Dame qui s'était présentée à lui., qui répandait autour d'elle des poignées de pièces d'or. Mais à peine atteignaient-elles le sol qu'elle se transformaient en poussière, le contact de l'or sur le dallage du sanctuaire creusant des micro-cavités que l'on peut encore y observer. Quant aux enfants, ils moururent dès que l'eau sacré toucha leur front, cependant que la moisson fabuleuse se transformait elle aussi en poussière... Une mauvaise farce qui cadre plutôt mal avec l'image bienfaisante de la Vierge Marie, mais davantage avec celle de mères cruelles que l'on retrouve dans les mythologies pré-chrétiennes. 

On ne manquera pas de remarquer, au transept sud de la chapelle, deux gargouilles particulièrement suggestives : l'une présente un homme le sexe érigé, l'autre une femme nue, la main refermée sur le sien, manifestement pas pour le cacher... C'est probablement pour bien lever tout doute à ce sujet que le sculpteur a cru bon de représenter un serpent courant sur le corps de la femme.
 












La chapelle N.-D. des Trois Fontaines vue de Beaulieu en Briec

Aux environs...

Après Les Trois Fontaines, la D 785 franchit les Montagnes Noires en s'insinuant dans la cluse creusée par le ruisseau des Trois Fontaines. La route, courant à flanc de vallée, suit les courbes de niveaux de celle-ci, offrant, jusqu'au lieu-dit Cabaret, de belles perspectives. A Penhoat, on laisse sur la gauche, au creux d'un vallon, une cabane faite de bric et de broc.  

La route qui, des Trois Fontaines, part sur la droite vers Gouézec, grimpe le versant de la Montagne Noire, laissant sur la gauche, 500 mètres après la chapelle, le petit calvaire de Croaz Gorréquer (16e s.). Il s'agit de l'ancienne voie antique de Quimper à Morlaix, dont on devine qu'elle se poursuivait vers le nord au lieu-dit Baradozic, tandis que la route actuelle bifurque vers le nord-est,  parcourant le faîte de la Montagne noire sur un kilomètre avant d'entamer sa descente vers le bourg de Gouézec. Le parcours ménage de nombreux points de vue sur le bassin de Châteaulin.